Qu’est-ce que le Ninjutsu ?
Dernière mise à jour : 6 janv.
Le Ninjutsu, souvent traduit comme « l’art de la furtivité » ou « l’art de l’endurance », est une discipline martiale japonaise dont l’histoire remonte au moins à la période féodale du Japon. Cette pratique évoque immédiatement les figures légendaires des ninjas – des guerriers-espions qui auraient maîtrisé des techniques secrètes de combat, de dissimulation, d’infiltration et de renseignement. Pourtant, le Ninjutsu, ou Ninpo, va bien au-delà de simples images stéréotypées de combattants vêtus de noir : c’est un ensemble de traditions qui englobent des compétences physiques, mentales et spirituelles, et dont l’objectif ultime est non seulement la survie, mais aussi la recherche d’une certaine harmonie avec l’environnement et la quête d’une compréhension profonde de soi et du monde.
Dans cet article, nous allons explorer en profondeur les origines, la philosophie, les techniques fondamentales, les armes, l’entraînement, ainsi que l’évolution moderne du Ninjutsu. Nous mettrons l’accent sur l’école Togakure Ryu Ninpo, l’une des plus célèbres lignées de transmission de cette discipline, et nous aborderons la manière dont le Ninjutsu s’intègre aujourd’hui dans la vie de ceux qui le pratiquent, au Japon comme à l’international.
1. Origines et contexte historique
1.1 Le Japon féodal et le rôle des Shinobi
Pour comprendre ce qu’est réellement le Ninjutsu, il est essentiel de plonger dans le contexte historique du Japon féodal. À cette époque, le pays était divisé en fiefs contrôlés par des seigneurs féodaux (daimyo), et les samouraïs formaient la classe guerrière dominante. Ils servaient avec loyauté leur seigneur et protégeaient son territoire. Cependant, face aux jeux de pouvoir et aux conflits incessants, certaines missions requéraient des talents plus subtils que l’affrontement direct. C’est là qu’entraient en scène les shinobi – terme plus authentiquement japonais que « ninja » – spécialistes de l’espionnage, du sabotage et de l’infiltration.
Le Ninjutsu se développe donc au fil du temps comme un ensemble de techniques visant à fournir des avantages stratégiques, en complément ou en marge de la voie du sabre (Kenjutsu) traditionnelle des samouraïs. Les Shinobi, souvent issus de clans ou de familles spécialisées, vivaient loin des centres de pouvoir, dans des zones montagneuses ou isolées, comme les régions d’Iga et de Koga (dans l’actuelle préfecture de Mie et Shiga). Dans ces milieux hostiles, la survie et la discrétion étaient indispensables, et la ruse devenait une vertu.
1.2 Le développement des écoles de Ninjutsu
Au fil des siècles, plusieurs écoles, ou ryuha, ont formalisé et transmis leurs enseignements de génération en génération. Parmi elles, on recense le Togakure Ryu, le Gyokko Ryu, le Koto Ryu, le Kumogakure Ryu, et bien d’autres. Chacune possédait ses spécificités techniques, stratégiques et philosophiques.
Le Togakure Ryu, fondé par Daisuke Togakure (ou Togakure Daisuke), est souvent considéré comme l’une des plus anciennes et des plus représentatives écoles de Ninjutsu. Cette lignée, transmise à travers les siècles, se caractérise par un ensemble de techniques de combat (taijutsu), de maniement d’armes (bo, katana, shuriken, etc.), de déplacements furtifs et de stratégie.
1.3 Les traités classiques
Plusieurs traités et manuels ont été rédigés pour préserver et transmettre les connaissances liées au Ninjutsu.
Parmi les plus célèbres figurent :
Le Bansenshukai (萬川集海) : Compilation volumineuse attribuée à Fujibayashi Sabuji Yasutake, considérée comme l’une des références les plus complètes sur les stratégies, les ruses et la philosophie du shinobi.
Le Ninpiden (忍秘伝) : Communément associé à la tradition Iga Ryū, il met l’accent sur les techniques secrètes et les attitudes mentales nécessaires au shinobi.
Le Shoninki (正忍記) : Originaire de l’école Kishu Ryu, il se concentre sur l’art de la dissimulation, de l’observation, ainsi que sur la psychologie et l’éthique du shinobi.
Le Ninpo Ikkan (忍法一貫) : Référence souvent citée dans certaines branches de l’enseignement Bujinkan, il explore la nature profonde de la voie du ninja et l’importance de la maîtrise intérieure.
Ces textes, souvent écrits dans un langage cryptique ou métaphorique, témoignent de l’importance accordée à la transmission ésotérique et secrète du savoir. Ils abordent tant l’aspect guerrier que la dimension spirituelle et philosophique inhérente au Ninjutsu.
2. Philosophie et principes fondamentaux
2.1 Ninpo : la voie de l’endurance et de la persévérance
Le terme « Ninpo » est souvent utilisé en parallèle avec celui de Ninjutsu. Si « jutsu » (術) met l’accent sur les techniques et les méthodes, « po » (法) relève davantage de la loi universelle, ou du principe supérieur. « Nin » (忍), quant à lui, peut se traduire par « endurance », « persévérance » ou « patience », mais aussi par « dissimulation ». Ainsi, Ninpo implique une démarche globale, où l’aspect technique est mis au service d’un cheminement spirituel et philosophique de long terme.
La philosophie du Ninjutsu invite le pratiquant à développer sa capacité à faire face à l’adversité, à endurer les épreuves de la vie et à s’adapter en toute circonstance. Cet état d’esprit s’alimente d’une conscience de l’instant présent et d’une écoute fine de l’environnement.
2.2 Adaptabilité, discrétion et conscience
Trois des piliers fondamentaux de la mentalité ninja pourraient se résumer ainsi :
Adaptabilité : Le shinobi doit être prêt à réagir à toute situation imprévisible, à employer ruse ou force, à œuvrer seul ou en équipe, et à évoluer dans différents terrains.
Discrétion : L’infiltration et la dissimulation sont au cœur du Ninjutsu. Il ne s’agit pas seulement de se camoufler physiquement, mais aussi de passer inaperçu sur le plan mental, social et énergétique.
Conscience : Pour être efficace, le ninja doit développer une attention à 360° – observer l’environnement, saisir le langage corporel de l’adversaire, sentir l’ambiance, évaluer les dangers. Cette conscience se cultive par un entraînement technique, mais aussi par la méditation et l’exploration de soi.
2.3 L’équilibre entre la compassion et la nécessité d’agir
Contrairement à l’image parfois sombre véhiculée par les ninjas, nombre d’écoles de Ninjutsu insistent sur la dimension morale et spirituelle de leur art. Les compétences de destruction, de sabotage ou d’élimination ne sont qu’un aspect de la panoplie ninja. L’entraînement et la discipline visent également à développer la compassion, le discernement et un sens de la justice.
Cela peut sembler paradoxal : comment concilier techniques de combat meurtrières et valeurs morales ? La réponse se situe dans la capacité à distinguer le moment où la force est nécessaire pour protéger la vie ou l’équilibre, et l’humilité indispensable pour ne jamais employer la violence de manière gratuite ou égoïste. Le ninja véritable doit être un protecteur de la paix, un bouclier discret plutôt qu’une épée brandie.
3. Les techniques fondamentales du Ninjutsu
3.1 Taijutsu : l’art du corps
Le terme « Taijutsu » fait référence aux techniques de combat à mains nues (ou intégrant un usage minimal d’armes), qui se fondent sur la Biomécanique, le relâchement et le timing plutôt que sur la seule force physique. Dans le Ninjutsu, le taijutsu englobe :
Dakentaijutsu : Les techniques de frappe (coups de poing, de pied, de genou, de coude), utilisant le corps entier.
Jutaijutsu : Les techniques de projection, de contrôle articulaire, d’étranglement et d’immobilisation.
Taihenjutsu : L’art du déplacement, des roulades, des chutes et des esquives.
Le taijutsu du Ninjutsu se caractérise par la fluidité, l’adaptation instantanée aux mouvements de l’adversaire et l’utilisation de la moindre opportunité pour prendre l’avantage. On privilégie souvent des angles d’attaque et de défense non conventionnels, réfléchis pour surprendre l’adversaire ou se soustraire à sa ligne de force.
3.2 Buki Waza : la maîtrise des armes
Le Ninjutsu inclut un large éventail d’armes, car le shinobi devait être en mesure de se défendre et de combattre dans de multiples circonstances. Parmi les armes les plus représentatives, nous pouvons citer :
Katana et Ninja-tō : Bien que le samouraï soit davantage associé à l’utilisation du katana, le ninja disposait parfois d’une épée plus courte, souvent appelée ninja-to, adaptée à l’infiltration et plus facile à dissimuler.
Shuriken : Les étoiles de lancer (Shuriken en forme d’étoile, appelées bo-shuriken quand elles sont de forme allongée) servaient à distraire, blesser ou désarmer un adversaire à distance.
Kusarigama : Arme composée d’une faucille reliée à une chaîne et un poids, permettant de bloquer, projeter et frapper.
Bō et Hanbō : Bâtons de différentes tailles (six pieds, trois pieds) que l’on retrouve dans différentes écoles de Kobudo..
Tanto : Le poignard ou couteau, indispensable pour les combats rapprochés et l’usage discret.
Le maniement des armes dans le Ninjutsu met l’accent sur la créativité et la ruse. Il n’est pas rare d’utiliser des objets du quotidien ou de l’environnement comme armes improvisées.
3.3 Discrétion et infiltration
La discrétion n’est pas juste une posture de combat, mais bien un ensemble de techniques et de principes visant à éviter le conflit direct ou à frapper là où on ne vous attend pas. Dans le Ninjutsu, on retrouve des exercices et méthodes pour :
Se mouvoir silencieusement (par exemple, ashi sabaki : manière de déplacer les pieds, de respirer et de se synchroniser avec le bruit ambiant).
Se dissimuler dans l’ombre ou l’environnement naturel (utilisation de tenues adaptées, camouflage, usage de la végétation).
Reconnaître et exploiter les points faibles d’une structure pour s’y introduire (portes, fenêtres, tunnels, toits).
Utiliser la psychologie, le déguisement et la désinformation pour passer inaperçu.
L’apprentissage de ces compétences requiert une attention soutenue, un travail sur la posture, la respiration, et un esprit calme et réceptif.
3.4 Katon, Suiton, Doton… : les techniques liées aux éléments
Dans la tradition ninja, certaines techniques spécifiques exploitent les éléments naturels, d’où des appellations comme Katon no jutsu (techniques du feu), Suiton no jutsu (techniques de l’eau), Doton no jutsu (techniques de la terre), etc. Ces appellations ne désignent pas nécessairement des pratiques magiques, mais plutôt l’utilisation stratégique du feu (fumée, explosions), de l’eau (noyade, mouvements en milieu aquatique), de la terre (creusage de tunnels, camouflage au sol), et de l’air (pour la respiration, l’écoute des sons) à des fins tactiques.
Ces techniques témoignent de la capacité des ninjas à exploiter chaque élément de l’environnement pour s’adapter, se cacher, attaquer, ou fuir.
4. La dimension spirituelle et ésotérique
4.1 L’influence du Bouddhisme ésotérique (Mikkyo) et du Shugendo
Au-delà de la simple efficacité martiale, le Ninjutsu traditionnel a souvent puisé dans différentes pratiques spirituelles, dont le Bouddhisme ésotérique Shingon (Mikkyo) et le Shugendo, axé sur l’ascèse en montagne. Ces traditions, qui incluent l’utilisation de mudras (gestes rituels), de mantras (formules sacrées) et de visualisations, ont influencé la manière dont certains maîtres de Ninjutsu conçoivent la maîtrise de l’énergie, la concentration mentale et la transformation spirituelle.
Le pratiquant apprend non seulement à fortifier son corps, mais aussi à pacifier son esprit et à développer une conscience plus vaste de la réalité. Certains exercices, comme la méditation sous une cascade (TakiShugyo), visent à endurcir la volonté, purifier l’esprit et unifier la respiration avec les forces de la nature.
4.2 Kuji-in, Kuji-kiri et la maîtrise de l’énergie
La légende veut que les ninjas aient employé les fameuses techniques des « neuf coupures de main » (kuji-kiri) pour invoquer des forces protectrices ou décupler leurs capacités mentales. Dans la tradition Mikkyo, le Kuji-in (九字印) du Goshin Ho désigne neuf mudras (sceaux sacrés) associés à des mantras spécifiques.
Rin (臨) : Force
Pyō (兵) : Énergie
Tō (闘) : Harmonie
Sha (者) : Guérison
Kai (皆) : Intuition
Jin (陣) : Sensibilité
Retsu (列) : Dimension spatiale
Zai (在) : Contrôle des éléments
Zen (前) : Éveil total
Bien que le recours à ces pratiques varie considérablement selon les écoles et les maîtres, l’idée commune est que le contrôle de l’esprit et de l’énergie interne (Ki ou Chi) a une importance capitale pour parvenir à un état d’équilibre et d’efficacité maximale.
5. Le Ninjutsu dans l’ère moderne
5.1 La préservation de l’héritage : Masaaki Hatsumi et la Bujinkan
À l’époque contemporaine, le Ninjutsu n’a pas disparu, malgré la modernisation fulgurante du Japon. L’une des figures majeures de sa préservation et de sa diffusion est Hatsumi Masaaki, fondateur de la Bujinkan, organisation qui regroupe plusieurs écoles (RyuHa) telles que Togakure Ryu, Gyokko Ryu, Koto Ryu, Shinden Fudo Ryu,etc. Hatsumi Sensei a hérité de ces traditions de Takamatsu Toshitsugu, surnommé « le dernier ninja véritable », et a choisi de les rendre accessibles à un plus large public à travers le monde.
La Bujinkan promeut un enseignement global, englobant les techniques de combat, la stratégie, la philosophie et l’éthique. De nombreuses branches internationales sont apparues, et les stages (taikai) organisés par Hatsumi Sensei ont grandement contribué à la popularité du Ninjutsu en Occident.
5.2 L’évolution des dojos et de l’enseignement
De nos jours, on trouve des dojos enseignant le Ninjutsu partout dans le monde. Certains se concentrent exclusivement sur la tradition Bujinkan, d’autres sur des courants comme le Genbukan ou le Jinenkan, fondés par des disciples de Hatsumi ayant suivi leur propre voie.
Dans chaque dojo, l’approche peut varier : certains insistent sur la self-défense et l’efficacité au combat de rue, d’autres mettent en avant l’aspect traditionnel et spirituel. Certains enseignants soulignent le lien avec le Mikkyo et l’ascèse en montagne, tandis que d’autres préfèrent une pédagogie plus moderne axée sur la préparation physique et la gestion du stress.
5.3 Le Ninjutsu et la culture populaire
Il est impossible de parler du Ninjutsu moderne sans évoquer l’impact de la culture populaire. Les ninjas, popularisés par le cinéma, les bandes dessinées, les mangas et les jeux vidéo, sont devenus des icônes mondiales. Des personnages comme Naruto (issu du manga éponyme) ou les Tortues Ninja (Teenage Mutant Ninja Turtles) véhiculent une image souvent fantaisiste de la discipline.
Bien que ces représentations aient permis de faire connaître les ninjas à un large public, elles contribuent parfois à diffuser des idées inexactes ou trop romancées. L’un des défis des instructeurs de Ninjutsu est donc de rétablir un équilibre entre l’intérêt suscité par ces figures populaires et la réalité historique, technique et philosophique de leur art.
6. L’entraînement en Ninjutsu : structure et progression
6.1 Un apprentissage graduel et personnalisé
Le Ninjutsu ne se résume pas à une liste de techniques à apprendre mécaniquement. Le chemin du ninja moderne implique un travail sur soi, tant physique que mental. Les instructeurs adaptent souvent les exercices et les programmes d’entraînement à l’âge, au niveau, et aux aspirations de chaque élève.
Les cours commencent généralement par un échauffement complet (assouplissements, étirements, musculation légère), suivi de techniques de base (taijutsu, positions, esquives, frappes). La progression inclut l’étude d’armes simples, puis plus complexes, ainsi que des exercices de chutes, de roulades et de déplacements en terrain varié.
6.2 Développer la vigilance et l’esprit d’observation
Dans un cours de Ninjutsu, on insiste souvent sur l’importance de la vigilance : être conscient de son environnement, identifier les issues de secours, ressentir la « distance » (maai) avec l’adversaire. Les pratiquants sont encouragés à cultiver cette sensibilité en dehors du dojo, dans leur vie quotidienne : observer les rues, les comportements, les changements subits d’ambiance ou de température.
Cette habitude d’observation s’étend également à soi-même : repérer les tensions internes, les réactions émotionnelles, les schémas de pensée qui pourraient gêner la fluidité de l’action. C’est ainsi que l’entraînement en Ninjutsu rejoint un travail de connaissance et de maîtrise de soi.
6.3 Les « randori » et la mise en situation
Si les katas (formes codifiées) jouent un rôle dans la transmission des techniques, le Ninjutsu insiste aussi sur la spontanéité et l’adaptation. Pour développer cet aspect, des exercices de randori (combats libres plus ou moins guidés) permettent aux élèves de tester leurs compétences dans un cadre contrôlé, face à des adversaires variés.
Certaines écoles proposent des mises en situation plus poussées, sous forme de jeux de rôles ou d’entraînements en extérieur. Par exemple, on peut organiser des parcours nocturnes, où les pratiquants doivent progresser sans bruit, éviter des « sentinelles » ou repérer des indices cachés. Ces expériences aident à comprendre le sens profond du Ninjutsu : vaincre sans être vu, se fondre dans l’environnement, ou agir là où l’adversaire est le plus vulnérable.
7. Pourquoi pratiquer le Ninjutsu aujourd’hui ?
7.1 Self-défense et confiance en soi
Bien que la société moderne n’exige plus de s’infiltrer dans les châteaux ennemis, les techniques de Ninjutsu restent pertinentes pour la self-défense. Le taijutsu, en particulier, apprend à se libérer d’une saisie, à désarmer un agresseur, à frapper de manière stratégique ou à se soustraire au danger le plus rapidement possible.
Cet entraînement développe en parallèle la confiance en soi, la gestion du stress et la capacité à analyser une situation de manière réaliste. Au lieu de céder à la panique, le pratiquant de Ninjutsu s’efforce de garder un esprit clair pour agir efficacement.
7.2 Discipline de vie et développement personnel
Comme la plupart des arts martiaux, le Ninjutsu offre un cadre qui encourage l’autodiscipline, la persévérance et le dépassement de soi. Les entraînements réguliers, parfois exigeants, forment le caractère et apprennent la patience.
Au-delà de l’aspect purement physique, certains pratiquants trouvent dans le Ninjutsu un chemin de développement personnel. Les concepts de discrétion, d’adaptabilité et de conscience se transposent dans tous les domaines de la vie : relations professionnelles, familiales ou sociales. Par exemple, la notion de « nin » (endurance) peut inspirer la persévérance dans les études ou la poursuite d’un objectif de carrière.
7.3 Approfondissement spirituel et rapprochement avec la nature
Pour ceux qui s’intéressent à la dimension ésotérique, le Ninjutsu peut ouvrir les portes de pratiques méditatives, de rituels inspirés du Mikkyo, ou de retraites en milieu naturel (ascèse en montagne, marches silencieuses, immersion en forêt). Ce contact renforcé avec la nature et l’étude de l’invisible apportent une dimension plus vaste à l’art du ninja, qui se révèle alors être une voie d’harmonie entre l’homme et l’univers.
8. Comment se lancer dans l’étude du Ninjutsu ?
8.1 Trouver un dojo ou un instructeur compétent
La première étape consiste à trouver un dojo reconnu, dirigé par un enseignant expérimenté et affilié à une organisation fiable (Bujinkan, Genbukan, Jinenkan, etc.). Vérifiez le sérieux de l’enseignant, son parcours et sa lignée de transmission.
Assistez, si possible, à un cours d’essai pour observer l’ambiance, la pédagogie, et ressentir si la pratique proposée vous correspond. Le Ninjutsu est un art subtil, où la relation élève-enseignant joue un rôle crucial.
8.2 S’équiper et s’entraîner régulièrement
Contrairement à certains arts martiaux qui demandent un équipement spécifique (protections, armures, etc.), le Ninjutsu peut se pratiquer avec un simple keikogi (tenue d’entraînement) et quelques armes d’étude, comme un boken (sabre en bois), un hanbo (bâton court) et, le cas échéant, des shuriken d’entraînement. Avec l’évolution des dojos modernes, il est fréquent d’utiliser des armes en plastique ou en caoutchouc pour des raisons de sécurité.
L’important est de s’entraîner de manière régulière et progressive. Comme pour tout art martial, la constance et la répétition sont essentielles pour acquérir des bases solides, améliorer sa coordination, renforcer son corps et intégrer peu à peu les principes du Ninjutsu.
8.3 Étudier l’histoire et la philosophie
Le Ninjutsu n’est pas qu’une affaire de muscles et de technique : il est indissociable de son contexte historique et spirituel. Lire les classiques comme le Bansenshukai, le Shoninki ou le Ninpiden permet d’approfondir la compréhension des motivations, des valeurs et des subtilités propres à la voie du ninja.
De plus, s’intéresser au Bouddhisme ésotérique, au Shugendo ou aux autres courants spirituels associés peut enrichir la pratique et permettre d’aller au-delà de la simple dimension martiale. Certains maîtres de Ninjutsu recommandent également de développer une pratique méditative régulière, pour cultiver calme, concentration et lucidité.
9. Conclusion : un art ancestral pour une modernité en quête de sens
Le Ninjutsu, souvent confondu avec l’image fantasmée du ninja de cinéma, est en réalité un art martial et spirituel d’une grande profondeur. Héritier d’une histoire complexe, il a su traverser les siècles et s’adapter à la modernité en conservant ses principes fondateurs : l’endurance, la discrétion, l’adaptabilité, la compassion, l’harmonie avec la nature et la quête de sens.
Pour ceux qui choisissent de l’étudier aujourd’hui, le Ninjutsu offre une voie fascinante de développement personnel. Il enseigne à la fois la maîtrise du corps, l’éveil de l’esprit et la compréhension de l’environnement. Cette formation globale permet de faire face aux défis contemporains avec un regard lucide et une grande capacité d’adaptation.
Que l’on soit attiré par l’efficacité martiale ou par la dimension spirituelle, que l’on cherche une pratique de bien-être ou un art martial complet, le Ninjutsu recèle un potentiel immense pour qui s’y engage avec sincérité et persévérance. Le voyage du ninja moderne n’est pas tant de se glisser dans l’ombre pour conspirer, mais plutôt d’apprendre à maîtriser ses propres peurs, ses propres limites, et de rayonner d’une présence discrète mais puissante, au service de la vie.
En fin de compte, « Qu’est-ce que le Ninjutsu ? » est une question qui mérite une réflexion constante, car il ne s’agit pas seulement d’une définition figée ou d’une accumulation de techniques. C’est une discipline vivante qui invite à se transformer et à grandir, à la fois sur les plans physique, mental et spirituel.
NinjutsuKyoto.com est un espace dédié à la préservation et à la transmission de cet art, et nous espérons que cet article vous aura éclairés sur la richesse de cette voie ancestrale. Que vous soyez simple curieux ou futur pratiquant, n’hésitez pas à poursuivre vos recherches, à lire les textes anciens, à rencontrer des enseignants qualifiés et à vous immerger dans le monde du Ninjutsu. Vous découvrirez alors un univers complexe et captivant, où la furtivité n’est pas synonyme d’obscurité, mais bien une invitation à mieux percevoir la lumière.
Références et lectures conseillées :
Bansenshukai (萬川集海) : L’un des textes les plus importants sur l’art ninja, comprenant des informations sur l’histoire, la philosophie, les stratégies et techniques.
Ninpiden (忍秘伝) : Souvent attribué à Hattori Hanzo ou à la tradition Iga, il met l’accent sur la dissimulation et les secrets du Shinobi.
Shoninki (正忍記) : Rédigé par Natori Masazumi, ce manuel traite de la psychologie, de la ruse et de l’éthique du ninja.
Les ouvrages de Masaaki Hatsumi : Fondateur de la Bujinkan, il a écrit plusieurs livres illustrant les techniques et la philosophie de l’héritage laissé par son maître Takamatsu Toshitsugu.
Les textes sur le Bouddhisme ésotérique (Mikkyo) et le Shugendō : Pour approfondir la dimension spirituelle du Ninjutsu.
En vous souhaitant une belle exploration de la voie du ninja, souvenez-vous que l’essentiel n’est pas de devenir invincible, mais d’apprendre à se laisser guider par la lumière, comme nous le rappelle le “Ninjutsu Hiketsubun”, en nous connectant à mère nature, avec l’esprit du cœur (Kanjin Kaname 肝心要) et l’œil divin (Shin Shingan 神心神眼). Cette démarche doit être empreinte de joie, de bonheur, de sincérité, de courage, d’humilité et de discernement.
L’apparence, la quête de grades sans véritable valeur, l’ego, l’arrogance, ou encore la soif de reconnaissance ne doivent jamais vous détourner de ce chemin. Le véritable voyage réside dans l’esprit imperturbable, “Fudōshin 不動心”, cultivé à travers une pratique personnelle quotidienne, dédiée à la maîtrise des techniques en situations réelles, conformément à la tradition et aux enseignements des maîtres Takamatsu Toshitsugu et Hatsumi Masaaki.
C’est là toute la véritable essence du Ninpo.
Jérôme Pailliette, instructeur au dojo de Ninjutsu Kyoto.
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